Pont Wilson à Tours : enfin de la place pour les piétons et pour les cyclistes
Pont Wilson à Tours : enfin de la place pour les piétons et pour les cyclistes
Le pont Wilson enjambe la Loire dans le centre-ville de Tours, sur l’axe Nord-Sud de la ville. Ce pont, le plus vieux et le plus beau de la ville, a porté la Nationale 10 qui transitait par Tours en provenance de la région parisienne en direction de l’Espagne, avant que le trafic de cette dernière ne soit reporté sur l’autoroute qui longe la frontière Est de la ville, à 2 km de là. Ce pont a également porté le premier tramway à partir de 1877, et porte désormais, depuis 2013, le nouveau tramway. Il s’est effondré en 1978, fut reconstruit 4 ans après et aujourd’hui il fait à nouveau parler de lui : il devient désormais réservé aux modes actifs (marche, vélo) et au tramway.
Le retour du tramway à Tours, en 2013, a transformé le pont Wilson. Alors que les voies bus centrales sont remplacées par le tramway, des 2 voies voitures qui devaient être conservées une seule le sera finalement (dans le sens Nord-Sud, donc entrant dans le centre, pour rassurer les commerçants déjà inquiets de la suppression d’une voie automobile). L’autre espace sera finalement ajouté à l’espace initialement prévu pour les piétons, pour constituer un espace mixte piétons-vélo au même niveau que le tramway, tandis que la voie voiture, elle, est encaissée.
Je suis arrivée à Tours en même temps que le tramway, et cette voie voiture m’a toujours semblé une incongruité du fait de la reconfiguration du pont. Les piétons et les cyclistes, en général nombreux sur le pont, doivent se partager un espace mixte, coincés entre un parapet relativement bas et donc peu sécurisant, et l’espace de circulation du tramway longé par une rigole piégeuse pour les roues de vélo. Comme tout espace mixte, il ne satisfait aucune catégorie d’usagers : ni les piétons qui sont frôlés par les cyclistes, ni les cyclistes qui sont contraints d’avancer à l’allure du pas du fait de la densité piétonne. La voie goudronnée, malgré sa limitation à 30 km/h, est peu engageante pour les cyclistes qui y sont poussés par des véhicules voulant rouler plus vite. La plupart des cyclistes roulent donc sur l’espace mixte, qui au départ a eu le statut d’aire piétonne, puis celui de Voie verte.
L’espace mixte suggérait, depuis sa conception, par une ligne pavée séparatrice, une circulation piétonne sur la partie étroite, et une circulation cycliste sur la partie la plus large. En préparation du déconfinement, au mois de mai, Tours métropole a piloté la mise en place d’aménagements piétons et vélos transitoires. Dans le cadre de ces aménagements, des pictogrammes piétons et vélos ont été ajoutés sur le revêtement de l’aménagement mixte piétons-vélos du pont Wilson. Ce changement d’aménagement, qui se voulait plus injonctif était en totale contradiction :
• avec la vocation de l’espace (une aire piétonne n’est pas un espace laniéré avec d’un côté les piétons et de l’autre les cyclistes, mais bien un espace dédié aux piétons, dans lequel les cyclistes y sont admis à l’allure du pas).
• avec les recommandations d’accessibilité qui recommandent une largeur de cheminement de 1,40 m minimum pour les piétons
• avec la nécessaire distanciation physique que la situation sanitaire intimait de respecter
Suite aux élections municipales et avec l’arrivée d’une nouvelle équipe d’élus, un revirement a eu lieu. Le 24 juillet, le nouveau maire de Tours, Emmanuel Denis, annonce en conseil municipal qu’une expérimentation de 3 mois* testerait la suppression de la seule voie voiture restante du pont. Le 1er août, sur l’espace mixte piétons-vélos les pictogrammes vélo et piétons étaient effacés, bientôt remplacés par les seuls pictogrammes piétons. Dès le 12 août, la voie bitumée habituellement réservée aux voitures était ornée de pictogrammes vélo la transformant en piste cyclable bidirectionnelle. Une nouvelle ère peut commencer.
Cet aménagement est un symbole fort, mais la nouvelle municipalité l’a pensé en lien avec le rétablissement d’un axe nord-sud cyclable, qui avait été perdu avec l’arrivée du tramway. La rue nationale, dans le prolongement au sud du pont, est piétonne depuis que le tramway y passe. Les cyclistes n’y ont donc pas d’aménagement propre, et la rue étant très commerçante, elle est de fait impraticable à vélo à certaines heures du fait de l’affluence piétonne. Cette rue est citée 28 fois dans les points noirs recueillis lors du baromètre des villes cyclables de la FUB de 2019. Chaque fois que les cyclistes s’en plaignaient auprès de la mairie ils recevaient inlassablement la même réponse : passez plus à l’est ou plus à l’ouest. Mais aucune de ces alternatives n’était véritablement satisfaisante du fait de discontinuités notables. Aujourd’hui l’alternative côté Est commence à prendre une meilleure forme, puisqu’une piste cyclable bi-directionnelle a été mise en place, rue de Buffon, sacrifiant au passage 34 places de stationnement. Il reste d’autres portions de rues à aménager entre le pont wilson et cette rue de Buffon, ces aménagements devraient être mis en place prochainement. Il serait également judicieux de mettre en place du jalonnement pour encourager les cyclistes à s’approprier ce nouvel itinéraire qui les conduit de Tours nord à la gare SNCF.
Cette démarche permet de sécuriser les itinéraires vélo, de rendre ce mode de transport encore plus efficace qu’il ne l’est déjà et donc plus attractif. Ainsi les personnes qui ont la possibilité d’utiliser le vélo pour leurs déplacements, que ce soit au quotidien ou ponctuellement, peuvent laisser leur voiture au garage et ainsi fluidifier la circulation pour les personnes qui n’ont pas d’autre choix de transport. Par ailleurs, la diminution du trafic automobile ainsi générée rend la ville plus sûre, plus agréable, et donc encore plus attrayante pour les modes actifs (marche, vélo), c’est un cercle vertueux qui s’enclenche. La ville devient plus vivante, favorisant ainsi le tourisme, le commerce, renforçant ainsi son dynamisme qui devient un atout supplémentaire.
Laurence Picado, Correspondante Rue de l’avenir à Tours
* Édition du 11/10/2020 : l’expérimentation sera prolongée jusqu’en janvier 2021, le mois de septembre a connu sur le pont une hausse de 20% de trajets vélo par rapport à septembre 2019