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La réduction de l’excès automobile

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Réduire le nombre de véhicules motorisés, leur place dans l’espace public et leur vitesse, à ce qui est strictement nécessaire, c’est-à-dire fonctionnellement efficace et socialement utile, est le préalable à un meilleur partage de l’espace public.

En complément des mesures prises dans le cadre de la démarche Code de la rue/Plan d’Action des Mobilités Actives et d’une ville à 30 km/h, une politique fondée sur la limitation du stationnement et la mise en place de zones à trafic limité et de zones à circulation apaisées, permet d’évoluer vers une ville apaisée et des quartiers accueillants pour leurs habitants.

Au lieu d’être seulement un « tuyau à voitures », la rue peut alors être affectée à l’ensemble des fonctions urbaines animant la vie de la ville.
Les « oubliés de la circulation » que sont aujourd’hui les enfants, les anciens et les personnes à mobilité réduite y retrouvent alors une certaine autonomie indispensable pour leur santé physique et morale et pour leur vie quotidienne.

Toutes les conséquences de l’excès automobile sont liées entre elles par un « effet système ». Elles se manifestent dans l’ensemble des composantes de la vie de la ville.
L’usage de l’automobile, jusqu’à l’excès, a pris la forme d’une mutation lente mais continue, et a « révolutionné la ville » en moins de 100 ans. Cette évolution a contraint toujours davantage les possibilités pour ses habitants de bénéficier d’espaces publics accessibles, sûrs et adaptés à leurs besoins d’activités sociales et physiques, à leur vie quotidienne et leur santé.
L’espace urbain occupé par les automobiles, correspond aujourd’hui clairement à un niveau très excessif par rapport aux besoins de déplacements auquel répondent ces véhicules.
D’autant plus que les surfaces d’espaces publics limitées de nos villes et quartiers doivent prendre en compte dès maintenant les nouveaux enjeux du changement climatique, et fournir des lieux de proximité apaisés, sûrs et abrités des nuisances urbaines (pollutions, bruit, chaleur…)

Aujourd’hui l’objectif doit être de réduire le nombre de véhicules motorisés, leur place dans l’espace public et leur vitesse, afin de réagir efficacement sur les éléments suivants :

L’insécurité dans les déplacements compte tenu en particulier de la vitesse qui influe directement sur le nombre d’accidents et accroît la vulnérabilité des piétons et des cyclistes ;

L’étalement de la ville qui repose sur un usage croissant de la voiture et conduit à une « non-ville au milieu d’une non-campagne » pour 15 millions d’habitants dépendants de l’usage de leur(s) voiture(s) pour 80 % des distances parcourues ;

Une occupation hégémonique de l’espace public par le stationnement (dont le stationnement illicite), et le nombre et la vitesse des véhicules en circulation ;

L’atteinte aux autres modes de déplacement nécessaires aux besoins de la transition écologique, et en particulier aux mobilités actives, marche et vélo ;

Les nuisances objectives (pollutions, bruit) ou leurs effets induits (sentiment d’insécurité, stress, agressivité), qui ont un effet négatif sur la santé. Selon les travaux de l’OMS la pollution de l’air est la source de nombreux problèmes de santé. En milieu urbain les émissions des véhicules peuvent représenter plus de la moitié des émissions totales de polluants dans l’air ;

L’impact excessif sur le cycle naturel de l’eau ;

La création d’inégalités économiques, sociales et territoriales.

Un mouvement européen

Sur le site de La Rue de l’avenir suisse, il est possible de prendre la mesure du mouvement qui s’est produit en Europe, en consultant la rubrique intitulée Ville d’ici et d’ailleurs.
Plusieurs villes européennes ont en effet entrepris depuis de nombreuses années des démarches globales pour redonner une qualité de vie en ville, en maîtrisant notamment l’omniprésence de la voiture et la vitesse des véhicules motorisés. L’action de ces villes montrent qu’une nouvelle approche de la ville est possible…
Des exemples européens en matière d’apaisement de la circulation et de réduction de la vitesse y sont développés : Allemagne, Italie, Suisse, Pays-Bas, France…
Zones à accès restreint – Rue de l’avenir (rue-avenir.ch)

La diminution du nombre des automobiles en ville afin de préserver la sécurité des autres usagers de l’espace public et de favoriser l’environnement et la fonction conviviale des quartiers et de la rue dépend de différents moyens d’action : limiter le stationnement, réguler l’accès des véhicules motorisés, et équilibrer l’usage de l’espace public.

1. Limiter le stationnement

Le stationnement est le déterminant principal pour l’usage des moyens de déplacement motorisés individuels. La présence de stationnement encourage l’usage. Les facilités de stationnement doivent donc être réduites : limitation de l’offre, des durées de stationnement et instauration d’une tarification.
Le stationnement des pendulaires doit en particulier être fortement dissuadé dans le centre-ville, tandis qu’inversement des modalités seront adaptées aux besoins des résidents et des clients des services et des commerces.

Note sur le stationnement, François Prochasson, Rue de l’avenir, 06/2017, Note, PDF, 4p

La gestion du stationnement s’accompagne d’alternatives pour les déplacements dans l’accès à la ville : , parcs relais périphériques, amélioration des services de transports en commun et de taxis, cyclabilité, offre de services vélo (aménagements, location de longue ou de courte durée, stationnement sécurisé…), système d’autopartage pour limiter le besoin de posséder une voiture personnelle, , mise en place de systèmes efficaces de co-voiturage, …

Stationnement et espace public, Rue de l’avenir, 2018, PDF, 8p

Stationnement et espace public, Rue de l’avenir, 2013, PDF, 8p

2. Réguler l’accès des véhicules motorisés

a. Les zones à trafic limité (ZTL)

Le principe consiste à n’autoriser l’accès à chaque zone qu’à un nombre limité de véhicules motorisés autorisés. Les premières ZTL ont été mises en œuvre à partir de 1970, essentiellement dans les villes italiennes.
Zones à Trafic Limité (ZTL) en Europe (Les) – La librairie ADEME
Outre les services publics et les livraisons (sous condition d’horaire) les résidents sont généralement autorisés. Ces autorisations pour les résidents donnent lieu à des modalités réglementaires (nombre d’autos autorisées par foyer) et tarifaires diverses.
L’accès des cyclistes est autorisé, et est donc encouragé à l’inverse particulièrement des deux-roues motorisés. Les ZTL ont pour effet immédiat la suppression de tout trafic injustifié dans chaque zone, et notamment tout trafic de transit.

En facilitant la circulation et surtout le stationnement pour les résidents, les ZTL sont un outil très efficace pour le maintien d’une fonction résidentielle importante dans le centre-ville. L’amélioration du cadre de vie qui résulte de la réduction drastique du trafic auto se traduit de plus par une valorisation de l’armature commerciale, de l’image et de l’attractivité de la ville.

b. Les zones à faible émission (ZFE)

Les ZFE visent à contrôler l’accès à la ville selon les critères d’émissions de pollution.

En France, ce dispositif a été progressivement défini par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015-zone à circulation restreinte), puis la loi d’orientation des mobilités (2019-zone à faible émission) et la loi climat et résilience (qui étend l’obligation de ZFE aux 44 agglomérations de plus de 150 000 habitants.

Le principe d’une zone à faible émission repose sur l’interdiction d’accès à une ville ou partie
de ville pour les véhicules qui ne répondent pas à certaines normes d’émissions ou d’équipements (normes Euro et/ou présence d’un filtre à particules).

Ce dispositif, couramment désigné en Europe sous le terme Low Émission Zone (LEZ), est mis en œuvre dans de nombreuses villes européennes depuis plus de dix ans.
Zones à faibles émissions (Low Emission Zones – LEZ) à travers l’Europe (Les) – La librairie ADEME

Toutefois, l’approche de type ZFE fait l’impasse sur les autres conséquences de l’usage excessif de l’auto : sécurité, occupation de l’espace public, type d’urbanisme, mobilité des modes actifs. Elle repose par ailleurs sur des critères de sélection discutables et masque souvent l’absence de mise en œuvre d’une politique efficace sur le déterminant fondamental pour l’usage de l’auto qui est le stationnement.

ZTL ou ZFE ? Rue de l’Avenir promeut en priorité l’intérêt de la ZTL, car elle permet de réduire progressivement le nombre de véhicules motorisés, et d’ajuster leur emprise et leur vitesse dans l’espace public à ce qui est strictement nécessaire.
Elle rend possible un meilleur partage du domaine public entre les différents types d’usagers (piétons, enfants et personnes âgées, cyclistes, transports en commun…), et répond de façon équilibrée à la rareté de l’espace en ville, en accord aves les mesures du Code de la rue, du PAMA et d’une ville à 30 km/h.

c. Le plan de circulation

i. L’exemple de Groningen

Dans les années 70, la ville de Groningen a adopté un plan de circulation destiné à contraindre la circulation automobile pour redonner la priorité aux piétons, aux cyclistes et aux transports en commun. Le centre ville a été divisé en 4 zones, le sens unique a été généralisé pour les voitures, en ne leur permettant plus de passer d’une zone à l’autre directement, supprimant ainsi le trafic de transit. Aujourd’hui Groningen est la ville des Pays Bas où la part modale vélo, de 60 %, est la plus importante.

ii. L’exemple de Barcelone

Barcelone a la particularité d’avoir, sur une partie de son territoire, une trame urbaine organisée en « blocs » très réguliers. Ces blocs sont appelés Manzanas.
En 2016 la ville lance une expérimentation de 5 supermanzanas (superblocks en anglais). Cela revient à redécouper la ville sous une forme plus grande qu’un bloc, mais restant plus petite qu’un quartier, en vue d’apaiser la circulation au sein de cette nouvelle unité.
La marche, le vélo et les transports en commun pourront bénéficier de la place ainsi libérée, la vitesse des véhicules autorisée sur les voies de desserte est réduite à 10 km/h, l’espace public à l’intérieur des supermanzanas est réaménagé pour susciter de nouvelles activités (réunions entre habitants, jeu pour les enfants, activités sportives, détente…)

La reconquête de Barcelone : la ville construite autour du piéton, Rencontres ADEUS, 07/2020, PDF, 48p
A la découverte des « supermanzanans » de Barcelone ! (Julien Delabaca- avril 2020)
Episode n°16 – A la découverte des « supermanzanas » de Barcelone ! — Le facilitateur de Mobilité, par Julien de Labaca

iii. L’exemple de Lille

En août 2016, la ville de Lille a mis en place un nouveau plan de circulation ayant pour but de dissuader le trafic de transit, améliorer le cadre de vie des riverains et l’attractivité des commerces.
L’ADAV qui effectue régulièrement des comptages vélo, publie chaque année en partenariat avec le CEREMA les résultats du Baromètre sur l’usage du vélo à Lille, et a mesuré une hausse de 55 % au cours des 3 dernières années
7e baromètre ADAV/Cerema – ADAV – Droit au vélo (droitauvelo.org)

d. La piétonnisation : L’exemple de Bruxelles

Depuis juin 2015, Bruxelles a agrandi son espace piétonnier au centre ville, le portant à 50 ha. Bruxelles devient ainsi la ville avec l’espace piéton le plus vaste d’Europe. Les riverains sont autorisés à utiliser leur voiture au sein de ce périmètre, les taxis peuvent y prendre et déposer leurs clients. Une requalification de l’espace public ainsi libéré des voitures est en cours pour faire disparaître les traces du passé routier.

e. Le péage urbain : L’exemple de Londres

Le péage urbain a été mis en place à Londres dès 2003, sous la forme d’un « péage de congestion ».
Ses objectifs étaient de réduire la densité de la circulation, d’améliorer la circulation des autobus, et de faciliter celle des livraisons et services urbains.
La zone à péage correspond au centre de Londres, 22 km² (1,5% de la surface du Grand Londres), et 5% de sa population.
Le forfait quotidien est de 13,4 € en 2019, du lundi au vendredi entre 7h et 18h, sauf les jours fériés.
Les exemptions concernent les deux-roues, les taxis, les véhicules pour handicapés, les véhicules de transports collectifs et les véhicules à faible consommation d’énergie.
Les résidents payent un forfait de 4,5 € pour cinq jours consécutifs. Le contrôle est effectué par des caméras de reconnaissance automatique des plaques minéralogiques. Les recettes sont affectées aux services de transports publics.

En 2014, la ville estimait une réduction du trafic entrant de 27% par rapport à 2002 et dans le même temps une augmentation de 66 % de la part modale vélo. https://tfl.gov.uk/corporate/publications-and-reports/congestion-charge

f. L’urbanisme tactique / éphémère / les micro-aménagements

L’urbanisme tactique consiste à réaménager l’espace public avec des moyens légers, à peu de frais, pour réaliser des tests par des « micro-aménagements ». Son avantage est de pouvoir être facilement réajusté ou réversible si le test échoue ou au contraire être conforté par la réalité s’il réussit
Les micro-aménagements apparaissent être des outils simples et innovants, permettant de répondre à des besoins de proximité, par des interventions légères et rapides : occupations temporaires de places de stationnement lors de l’évènement Park’ing Day ou lors de terrasses estivales à Glasgow, Stuttgart…, peintures ludiques au sol à Turin, aménagement transitoire « Piazze Aperte » à Milan, implantation participative de mobiliers modulables à Stockholm, jardinage de pieds de façade ..

La crise sanitaire de 2020-2021 a mis en avant ces aménagements, qualifiés de « tactiques ». Le souhait de faciliter des activités locales, réalisables en extérieur, ainsi que la promotion de la marche et du vélo, ont été des leviers importants d’expérimentation.
Les micro-aménagements peuvent très concrètement entraîner une modération de l’excès automobile, rendre la ville plus apaisée, et favoriser l’épanouissement de nouveaux usages urbains. Mobilités d’après : articles et réflexions – Rue de l’Avenir (ruedelavenir.com)

3. Équilibrer l’usage de l’espace public

Les Pays-Bas ont adopté au début des années 1970, les woonerf (rues résidentielles) qui donnent, à proximité de leur logement, une place aux jeux des enfants. Différentes réglementations ont depuis été progressivement mises en place dans la plupart des pays européens pour réagir au « bombardement des voitures », et permettre un usage plus équilibré de l’espace public en limitant les vitesses et en dissuadant le transit automobile.

En France c’est la démarche « Code de la rue » initiée en 2006 puis le Plan d’actions pour les mobilités actives (PAMA) en 2015, qui ont permis, avec les textes de 2005 concernant l’accessibilité, une évolution favorable aux habitants et aux usagers non motorisés de l’espace public.